![cristo rei](https://alasourcedelaverite.wordpress.com/wp-content/uploads/2017/09/cristo-rei.jpg?w=1086)
Oui, mon Ăąme se plaĂźt Ă secouer ses chaĂźnes :
DĂ©posant le fardeau des misĂšres humaines,
Laissant errer mes sens dans ce monde des corps,
Au monde des esprits je monte sans efforts.
LĂ , foulant Ă mes pieds cet univers visible,
Je plane en liberté dans les champs du possible,
Mon Ăąme est Ă l‘Ă©troit dans sa vaste prison :
 Il me faut un sĂ©jour qui n‘ait pas d‘horizon.
Comme une goutte d’eau dans l’OcĂ©an versĂ©e,
L’infini dans son sein absorbe ma pensĂ©e ;
LĂ , reine de l’espace et de l’Ă©ternitĂ©,
Elle ose mesurer le temps, l’immensitĂ©,
Aborder le nĂ©ant, parcourir l’existence,
Et concevoir de Dieu l’inconcevable essence.
Mais sitĂŽt que je veux peindre ce que je sens,
Toute parole expire en efforts impuissants.
Mon ùme croit parler, ma langue embarrassée
Frappe l‘air de vingt sons, ombre de ma pensĂ©e.
Dieu fit pour les esprits deux langages divers :
En sons articulĂ©s l‘un vole dans les airs ;
Ce langage bornĂ© s’apprend parmi les hommes,
Il suffit aux besoins de l’exil oĂč nous sommes,
Et, suivant des mortels les destins inconstants
Change avec les climats ou passe avec les temps.
L’autre, Ă©ternel, sublime, universel, immense,
Est le langage inné de toute intelligence :
Ce n’est point un son mort dans les airs rĂ©pandu,
C’est un verbe vivant dans le coeur entendu ;
On l’entend, on l’explique, on le parle avec l’Ăąme ;
Ce langage senti touche, illumine, enflamme;
De ce que l’Ăąme Ă©prouve interprĂštes brĂ»lants,
Il n’a que des soupirs, des ardeurs, des Ă©lans ;
C’est la langue du ciel que parle la priĂšre,
Et que le tendre amour comprend seul sur la terre.
Aux pures rĂ©gions oĂč j’aime Ă m’envoler,
L’enthousiasme aussi vient me la rĂ©vĂ©ler.
Lui seul est mon flambeau dans cette nuit profonde,
Et mieux que la raison il m’explique le monde.
Viens donc ! Il est mon guide, et je veux t’en servir.
A ses ailes de feu, viens, laisse-toi ravir !
DĂ©jĂ l’ombre du monde Ă nos regards s’efface,
Nous Ă©chappons au temps, nous franchissons l’espace.
Et dans l’ordre Ă©ternel de la rĂ©alitĂ©,
Nous voilà face à face avec la vérité !
Cet astre universel, sans déclin, sans aurore,
C’est Dieu, c’est ce grand tout, qui soi-mĂȘme s’adore !
Il est ; tout est en lui : l’immensitĂ©, les temps,
De son ĂȘtre infini sont les purs Ă©lĂ©ments ;
L’espace est son sĂ©jour, l’Ă©ternitĂ© son Ăąge ;
Le jour est son regard, le monde est son image ;
Tout l’univers subsiste Ă l’ombre de sa main ;
L’ĂȘtre Ă flots Ă©ternels dĂ©coulant de son sein,
Comme un fleuve nourri par cette source immense,
S’en Ă©chappe, et revient finir oĂč tout commence.
Sans bornes comme lui ses ouvrages parfaits
BĂ©nissent en naissant la main qui les a faits !
Il peuple l‘infini chaque fois qu‘il respire ;
Pour lui, vouloir c‘est faire, exister c‘est produire !
Tirant tout de soi seul, rapportant tout Ă soi,
Sa volontĂ© suprĂȘme est sa suprĂȘme loi !
Mais cette volonté, sans ombre et sans faiblesse,
Est à la fois puissance, ordre, équité, sagesse.
Sur tout ce qui peut ĂȘtre il l‘exerce Ă son grĂ© ;
Le nĂ©ant jusqu‘Ă lui s‘Ă©lĂšve par degrĂ© :
Intelligence, amour, force, beauté, jeunesse,
Sans s‘Ă©puiser jamais, il peut donner sans cesse,
Et comblant le néant de ses dons précieux,
Des derniers rangs de l‘ĂȘtre il peut tirer des dieux !
Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance,
Mesurent d‘eux Ă lui l‘Ă©ternelle distance,
Tendant par leur nature Ă l‘ĂȘtre qui les fit;
Il est leur fin Ă tous, et lui seul se suffit !
VoilĂ , voilĂ le Dieu que tout esprit adore,
Qu‘Abraham a servi, que rĂȘvait Pythagore,
Que Socrate annonçait, qu‘entrevoyait Platon ;
Ce Dieu que l‘univers rĂ©vĂšle Ă la raison,
Que la justice attend, que l‘infortune espĂšre,
Et que le Christ enfin vint montrer Ă la terre !
Ce n‘est plus lĂ ce Dieu par l‘homme fabriquĂ©,
Ce Dieu par l‘imposture Ă l‘erreur expliquĂ©,
Ce Dieu dĂ©figurĂ© par la main des faux prĂȘtres,
Qu‘adoraient en tremblant nos crĂ©dules ancĂȘtres.
Il est seul, il est un, il est juste, il est bon ;
La terre voit son oeuvre, et le ciel sait son nom !
Heureux qui le connaĂźt ! plus heureux qui l‘adore !
Qui, tandis que le monde ou l‘outrage ou l‘ignore,
Seul, aux rayons pieux des lampes de la nuit,
S‘Ă©lĂšve au sanctuaire oĂč la foi l‘introduit
Et, consumĂ© d‘amour et de reconnaissance,
BrĂ»le comme l‘encens son Ăąme en sa prĂ©sence !
Mais pour monter Ă lui notre esprit abattu
Doit emprunter d‘en haut sa force et sa vertu.
Il faut voler au ciel sur des ailes de flamme :
Le dĂ©sir et l‘amour sont les ailes de l‘Ăąme.
Ah ! que ne suis–je nĂ© dans l‘Ăąge oĂč les humains,
Jeunes, à peine encore échappés de ses mains,
PrĂšs de Dieu par le temps, plus prĂšs par l‘innocence,
Conversaient avec lui, marchaient en sa présence ?
Que n‘ai–je vu le monde Ă son premier soleil ?
Que n‘ai–je entendu l‘homme Ă son premier rĂ©veil ?
Tout lui parlait de toi, tu lui parlais toi–mĂȘme ;
L‘univers respirait ta majestĂ© suprĂȘme ;
La nature, sortant des mains du Créateur,
Etalait en tous sens le nom de son auteur;
Ce nom, caché depuis sous la rouille des ùges,
En traits plus Ă©clatants brillait sur tes Ouvrages ;
L‘homme dans le passĂ© ne remontait qu‘Ă toi ;
Il invoquait son pĂšre, et tu disais : C‘est moi.
Longtemps comme un enfant ta voix daigna l‘instruire,
Et par la main longtemps tu voulus le conduire.
Que de fois dans ta gloire Ă lui tu t‘es montrĂ©,
Aux vallons de Sennar, aux chĂȘnes de MembrĂ©,
Dans le buisson d‘Horeb, ou sur l‘auguste cime
OĂč MoĂŻse aux HĂ©breux dictait sa loi sublime !
Ces enfants de Jacob, premiers–nĂ©s des humains,
Reçurent quarante ans la manne de tes mains
Tu frappais leur esprit par tes vivants oracles !
Tu parlais Ă leurs yeux par la voix des miracles !
Et lorsqu‘ils t‘oubliaient, tes anges descendus
Rappelaient ta mémoire à leurs coeurs éperdus !
Mais enfin, comme un fleuve éloigné de sa source,
Ce souvenir si pur s‘altĂ©ra dans sa course !
De cet astre vieilli la sombre nuit des temps
Eclipsa par degrés les rayons éclatants ;
Tu cessas de parler; l‘oubli, la main des Ăąges,
UsĂšrent ce grand nom empreint dans tes ouvrages ;
Les siĂšcles en passant firent pĂąlir la foi ;
L‘homme plaça le doute entre le monde et toi.
Oui, ce monde, Seigneur, est vieilli pour ta gloire ;
Il a perdu ton nom, ta trace et ta mémoire
Et pour les retrouver il nous faut, dans son cours,
Remonter flots Ă flots le long fleuve des jours !
Nature ! firmament ! l‘oeil en vain vous contemple ;
HĂ©las ! sans voir le Dieu, l‘homme admire le temple,
Il voit, il suit en vain, dans les déserts des cieux,
De leurs mille soleils le cours mystérieux !
Il ne reconnaĂźt plus la main qui les dirige !
Un prodige Ă©ternel cesse d‘ĂȘtre un prodige !
Comme ils brillaient hier, ils brilleront demain !
Qui sait oĂč commença leur glorieux chemin ?
Qui sait si ce flambeau, qui luit et qui féconde,
Une premiĂšre fois s‘est levĂ© sur le monde ?
Nos pĂšres n‘ont point vu briller son premier tour
Et les jours Ă©ternels n‘ont point de premier jour.
Sur le monde moral, en vain ta providence,
Dans ces grands changements révÚle ta présence !
C‘est en vain qu‘en tes jeux l‘empire des humains
Passe d‘un sceptre Ă l‘autre, errant de mains en mains ;
Nos yeux accoutumés à sa vicissitude
Se sont fait de ta gloire une froide habitude ;
Les siĂšcles ont tant vu de ces grands coups du sort :
Le spectacle est usĂ©, l‘homme engourdi s‘endort.
RĂ©veille–nous, grand Dieu ! parle et change le monde ;
Fais entendre au néant ta parole féconde.
Il est temps ! lĂšve–toi ! sors de ce long repos ;
Tire un autre univers de cet autre chaos.
A nos yeux assoupis il faut d‘autres spectacles !
A nos esprits flottants il faut d‘autres miracles !
Change l‘ordre des cieux qui ne nous parle plus !
Lance un nouveau soleil Ă nos yeux Ă©perdus !
DĂ©truis ce vieux palais, indigne de ta gloire ;
Viens ! montre–toi toi–mĂȘme et force–nous de croire !
Mais peut–ĂȘtre, avant l‘heure oĂč dans les cieux dĂ©serts
Le soleil cessera d‘Ă©clairer l‘univers,
De ce soleil moral la lumiÚre éclipsée
Cessera par degrĂ©s d‘Ă©clairer la pensĂ©e ;
Et le jour qui verra ce grand flambeau détruit
Plongera l‘univers dans l‘Ă©ternelle nuit.
Alors tu briseras ton inutile ouvrage :
Ses dĂ©bris foudroyĂ©s rediront d‘Ăąge en Ăąge :
Seul je suis ! hors de moi rien ne peut subsister !
L‘homme cessa de croire, il cessa d‘exister !
Adolphe De LAMARTINE
Je me disais, « je connais ce style de poĂ©sie », unique il faut le dire je te joints un autre poĂšme de A. DE LAMARTINE http://wp.me/p1600a-27x
JâaimeJâaime