Étiquette : POESIE
Dieu
La Foi
De quel sommeil profond je dormais dans ton sein !
N‘aurait jamais connu ni songes, ni réveil.
Et je vins, ô soleil, te maudire à mon tour.
Ce long regard de l’homme interrogeant les cieux,
Globe, témoin futur de ma félicité !
Salut, sacré flambeau qui nourris la nature !
Terre, berceau de l‘homme, admirable palais !
Homme, semblable à moi, mon compagnon, mon frère !
Remplissez vos destins, je vous apporte un coeur …
Que ce rêve est brillant ! mais, hélas ! c‘est un rêve.
Salut, mon dernier jour! sois mon jour le plus beau !
Me montrait le bonheur dans un vague horizon.
Redemande au passé ses jours qui ne sont plus,
Le sceptre du génie, ou le trône des rois,
Non, je ne voudrais pas rajeunir d‘un soleil.
Je ne veux pas d‘un monde où tout change, où tout passe :
Où le jour du bonheur n’a pas de lendemain !
A cru s‘envelopper d‘une froide vertu,
Pour trouver le repos il invoquait l‘oubli.
D‘antiques monuments, de modernes remparts,
Des dieux couchés au seuil de leurs temples déserts,
Et ces vieux panthéons peuplés de dieux nouveaux ;
Tandis que, s‘élevant de distance en distance,
Secouant la raison jusqu‘en ses fondements,
Le malheur n‘en fait plus qu‘une immense ruine,
Eléments opposés, sans vie et sans repos,
Restes de passions par le temps effacées,
Si du moins ces débris nous attestaient sa mort !
Mais sous ce vaste deuil l‘âme encore est vivante ;
Craint de brûler encore au–delà du tombeau.
Ame! qui donc es–tu ? flamme qui me dévore,
Au grand flambeau du jour vas–tu te réunir ?
Peut–être de ce feu tu n‘es qu‘une étincelle,
Tu n‘es qu‘un suc plus pur que la terre a produit,
Une fange animée, une argile pensante...
Hélas ! tu –crains de vivre et trembles de mourir.
Qui te révélera, redoutable mystère ?
Et de la même argile ils ont été pétris.
Rassemblant les rayons de l‘antique sagesse,
Deux mille ans sont passés, je te cherche aujourd‘hui ;
Deux mille ans passeront, et les enfants des hommes
Et Dieu seul réunit tous ses rayons épars.
Ainsi, prêt à fermer mes yeux à la lumière,
De la nuit d‘ici–bas dans la nuit du tombeau,
Et j‘emporte au hasard, au monde où je m‘élance,
J‘ai donc le droit fatal de maudire tes lois !
Après le poids du jour, du moins le mercenaire
Jette un rayon d’espoir sur mon pâle avenir,
Sous l’ombre de la mort me ranime et m’enflamme,
Du couchant de ma vie à son riant matin ;
J’embrasse d’un regard la destinée humaine ;
L’espoir ferme après moi les portes du néant,
Et rouvrant l’horizon à mon âme ravie,
Hélas ! il m’en souvient, plana sur mon berceau.
De la terre promise immortel héritage,
Comme les dons d’en haut, la vie et le soleil ;
Comme le lait de l’âme, en ouvrant la paupière,
Son flambeau dans les coeurs précéda la raison.
L’enfant, en essayant sa première parole,
Il la sent dans son coeur croître avec la vertu.
Ah ! si la vérité fut faite pour la terre,
Dans l‘esprit par les sens entrant de toutes parts,
Comme les purs rayons de la céleste flamme
S‘unir au souvenir, se fondre dans les moeurs;
Ainsi qu’un grain fécond que l’hiver couvre encore,
Donner son fruit divin pour l’immortalité.
Soleil mystérieux ! flambeau d‘une autre sphère,
Astre vivifiant, lève–toi dans mon coeur !
Hélas ! je n‘ai que toi; dans mes heures funèbres,
S‘éteint comme la vie aux portes du tombeau ;
Viens donc la remplacer, ô céleste lumière !
Et brille à l‘horizon comme l‘astre du soir.
Alphonse De Lamartine
(1790-1869)
Âme ! être, c’est aimer.
Enfants. Et maintenant, croyez si vous voulez !
La source
Un lion habitait près d‘une source ; un aigle
Y venait boire aussi.
Or, deux héros, un jour, deux rois – souvent Dieu règle
La destinée ainsi –
Vinrent à cette source où des palmiers attirent
Le passant hasardeux,
Et, s‘étant reconnus, ces hommes se battirent
Et tombèrent tous deux.
L‘aigle, comme ils mouraient, vint planer sur leurs têtes,
Et leur dit, rayonnant :
– Vous trouviez l‘univers trop petit, et vous n‘êtes
Qu‘une ombre maintenant !
Ô princes ! et vos os, hier pleins de jeunesse,
Ne seront plus demain
Que des cailloux mêlés, sans qu‘on les reconnaisse,
Aux pierres du chemin !
Insensés ! à quoi bon cette guerre âpre et rude,
Le duel, ce talion ?...
Je vis en paix, moi l‘aigle, en cette solitude,
Avec lui, le lion.
Nous venons tous deux boire à la même fontaine,
Rois dans les mêmes lieux ;
Je lui laisse le bois, la montagne et la plaine,
Et je garde les cieux.
Victor Hugo